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Portrait de l'architecte, signé Catherine Hubert
RAJ Magazine, septembre 2015

Appelez-moi Hugo.


Lorsque nous avons rencontré Pierre-Richard Villedrouin dans son immeuble de la rue Vilatte, pour une convesartion autour de l'architecture, il nous a répondu vous devriez voir mon contremaître qui travaille avec moi depuis qu'il a l'âge de 15 ans.  Il serait plus apte à vous parler de l'architecture et de ce que ce métier représente a-t-il ajouté, l'air interrogateur.  C'est un homme singulier dans une démarche solitaire qui est devant nous, car il a fait le choix de travailler seul et de ne pas monter une boîte avec des associés.

 

Entrée en matière.
Sa carrière, il l'a passée à construire pour sa famille, ses parents.  Et son meilleur client fut Jean-Claude Duvalier qui avait compris à l'époque que des retards de paiement entraînent des retards de chantier.


Villedrouin s'amuse
Pierre Richard a un rapport étroit avec son subconscient et le syncrétisme tient une grande place dans sa vie.  Si le Mexique a son Quetzalcóatl, dans ses oeuvres, lui a son Damballah, son Legba dans son âme.  Une piéce de maître dont il peut être fier est lentrée de sa maison: une barrièrelegbaienne.  On ose li'nterroger et la réponse tombe à point   Vous connaissez le calam decalam?  Cest la masturbation masculine.  Ma barrière cest un grand membre horizontal sur lequel une ferronnerie fait une translation.  Legba a prit du temps pour laccepter et ma barrière est née.  Cela lui a couté 6 ans de réflexion pour arriver à cette pièce dexception.  Nous avons ici la poésie davoir un côté ésotérique tandis que dans dautres pays cest le carré-carré, le numérique-numérique, nous explique Pierre Richard.

 

Une architecture atypique

Le Mexique, ou Pierre Richard a étudié, la fortement inspiré, forgeant ainsi son identité.  Son professeur Félix Caudela sera le premier à l'influencer.  Immigrant espagnol ayant lui fui son pays sous la dictature de Franco, il pratique la double cambrure du béton.  Ce qui lui offre plus de résistance que des dalles plates.  Le principe de l'oeuf et de la pression.  Ce n'est pas futuriste, mais une interprétation de la nature qui est maîtresse de l'enseignement primordial dit-il.  Amphion Pier Luigi Nervi est : dompteur-charmeur du béton armé.  Italien, dans les années 1920, il utilisait le ferrociment (béton armé obtenu par projection sur un grillage).  Pierre Richard lui emprunte ce matériau pour ses structures.  Des moules préfabriqués sont confectionnés et ainsi il n'y a pas de coffrage pour faire un toit.  Sa source d'inspiration lui vient dun tableau de gaguerre quil a chez lui sur un mur.  Les structures pour Pierre Richard sont les nerfs, les tendons, le squelette de l'architecture.  Dans son approche, il entre en contact avec les matériaux, apprend à les connaître.  Il ne construit pas en acier, mais en béton, car c'est élémentaire ici en Haïti.  Ses premiers pas, il les a fait sous la coupe de son père Emile Villedrouin qui était ingénieur civil.  "Ce n'était pas nimporte qui.  Il a fait ses preuves.  Le Belvédére et limmeuble ici à la rue Vilatte Casa Coupole parlent pour lui", avoue-t-il.  Pour Pierre Richard, son travail est la résultante des milieux dans lesquels il évolue ainsi que les matériaux dont il dispose.  Au Mexique, il a fait du "mexicain;" aux E.U. de "l'américain".
Là ou d'autres travaillent, Pierre Richard semble samuser.
A voir son architecture, les impressions giclent: Comme cest compliqué, comme cela doit couter cher.  Il explique: "Pourquoi?  Parce que ce ne sont pas des lignes droites?  Parce que ce ne sont pas des angles droits comme tout le monde fait?  Alors si vous ne faites pas cela, vous vous amusez?  Alors oui, je m'amuse si c'est ainsi".
Un ami l'appelle Hugo du reste.  "Je ne suis pas écrivain, mais je pense être quelque part un poète dans ce que je fais".

 

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Si l'architecture est un art.
Haïti, elle nest pas représentée que par ses peintres, ses écrivains et ses musiciens.  Pour Pierre Richard, l'architecture n'existe pas.  Il fait la comparaison avec les E.U.  "Les architectes dessinent, créent des plans.  Toute une cohorte d'ingénieurs prend la relève pour la mise en oeuvre, la réalisation: en fondation, en béton, en acier, en plastique Ya, ya, ya! Sans oublier le plus grand des architectes qui est 'l'ordinateur!!!" dit Pierre Richard qui poursuit sur sa lancée: "Tout moun ap dégagé yo isit.  Tout moun sé enjenyè, achitèk.  Yap voyé monté.  Ici, c'est le demerdem zizi!" (Rires)

Autoportrait
Dans sa vie il n'a pas à en rougir.  Il devient plus profond: "j'ai des faiblesses énormes.  Extrêmement émotif.  Quelque part, cela m'empêche d'être manipulateur.  Mes fautes, je les reconnais.  Mes manquements aussi.  Je suis obstiné.  Je crois en certaines choses qui pour moi, sont logiques.  Je m'identifie à ce que jai fait, je n'en rougis pas.  Je ne veux pas qu'on suive ma voie.  Ce serait de la contrefaçon.  Ici j'ai trouvé mon chemin."
Enfant, Pierre Richard, comme le Petit Prince, voulait non pas dessiner des nuages, mais des avions.  Plus grand, son cousin ingénieur en aéronautique, lui montrera l'envers du décor.  Continuer dans cette voie c'est accepter de s'engager dans un travail collectif.  C'est à la suite du départ de Paul Eugène Magloire, que cette "tête chaude", comme il aime à se qualifier, en 1957 part pour le Mexique ou l'Université autonome l'accueille et fait de lui celui qu'il est devenu aujourd'hui.  Ccoscco (hispanisé plus tard sous la forme de Cuzco), Quetzalcóatl, Damballah, Legba, tous sont en lui.  Il en est imprégné.  Sa dernière oeuvre majestueuse, il nous l'a fait découvrir: la Basilique pour la Médaille Miraculeuse.  Trois ans et demi de sa vie y ont été consacrés.  Dès le départ, la congrégation de Saint Vincent de Paul avait donné le ton: "Dieu y pourvoira."   Aujourdhui on le sait: "Dieu est sourd".  La réalisation n'a jamais été faite, mais le projet est toujours là.  Bon nombre d'architectes actuels ne jurent que par l'ordinateur.  Quant à Pierre Richard, son compas, son crayon, sa gomme, son équerre et sa règle sont ses armes.

 

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